Quelques signes de sédentarisation
Après près de 6000 km parcourus à vélo, tant de paysages admirés, tant de regards croisés, cet article sera certainement le plus difficile à écrire. Il marque le début d’un autre voyage, un de celui que nous ne pensions pas faire pour le moment. Il marque surtout la fin de notre périple à vélo.
Les premiers jours sont imbibés de comparaison permanente. Nous nous réveillons dans un endroit fixe, nous avons des horaires, nos journées, sans se ressembler, sont teintes d’une humeur routinière. Nos vélos sont loin, nous n’avançons plus dans l’espace, nous essayons de suivre du doigt sur une carte la route que l’on aurait dû parcourir à vélo, nous essayons de nous rappeler les paroles réconfortantes des proches qui toujours nous encouragent et nous félicitent du chemin parcouru. Nous retrouvons le confort de la vie sédentaire. Plus besoin de chercher un endroit où poser la tente, de calculer la quantité d’eau nécessaire pour les jours à venir, plaisir retrouvé d’une douche quotidienne. Mais ce n’était pas assez, nous en demandions encore, nous voulions aller jusqu’au bout.
De ce fait, les outils que nous utilisons ici pour le jardin accusent la force de la rage que nous avons encore au ventre, nous sommes partant pour tous les travaux les plus pénibles, histoire de ne pas se laisser ensevelir par nos pensées nostalgiques du vélo. Nous faisons maints efforts pour ne pas rêver que nous roulons vers le sud. Il faut oublier, il faut avancer dans une autre direction, il faut accepter, digérer.
La vie nous réserve malgré tout encore quelques clins d’œil ensoleillés. Nous venons d’arriver dans une ferme biologique créée par un heureux couple. Nous trouvons ici d’autres volontaires, qui comme nous, veulent voyager par la découverte de l’autre. Nous passons de longues heures à discuter, nous qui avions appris les rencontres éphémères et la solitude des grands espaces, nous apprenons à partager des moments qui ressemblent à l’auberge espagnole. Nous réapprenons la vie de groupe, les horaires, les tâches imposées. Un petit retour à une vie sédentaire temporaire, une petite transition tranquille d’un voyage à l’autre.